Bonjour Stef et bonjour à tous les autres,
Cela faisait quelques jours que j’avais préparé mon message mais j’hésitais à le poster pour au moins deux raisons : mon âge (51 ans) apparemment assez éloigné de la moyenne des personnes qui échangent sur ce forum et l’ancienneté de ma maladie (il y a 32 ans) traitée par des thérapies qui ne sont certainement plus d’actualité.
Néanmoins, il m’a semblé que mon expérience, même si elle ne fut pas un long fleuve tranquille loin s’en faut, était porteuse d’espoir et qu’à ce titre, cela devait l’emporter sur mes craintes.
Alors Stef, comme tu m’encourages à le faire, je me lance :
Tout a donc commencé en juin 1980, à l’âge de 19 ans. Une perte d’appétit, une légère fièvre persistante, une fatigue certaine et de fortes transpirations nocturnes ont permis à mon généraliste de comprendre rapidement de quoi il s’agissait. Des examens à l’hôpital Saint-Louis (Paris) n’ont fait que confirmer le diagnostic. Peu porté sur les affaires médicales et sans doute peu désireux de savoir ce que j’avais, je n’ai eu connaissance de l’expression « maladie de Hodgkin » que quelques mois plus tard, presque au terme des traitements, ce qui parait a posteriori pour le moins étrange. On m’avait alors simplement parlé d’une maladie grave, nécessitant des traitements qui m’empêcheraient, au moins dans un premier temps, de continuer à vivre normalement. Je ne suis même pas sûr, malgré les termes employés (chimiothérapie, radiothérapie…), d’avoir eu conscience que j’avais un cancer, c’est dire l’état d’ignorance (les psy parleraient peut-être de déni) dans lequel je me trouvais. Lorsque je lis vos messages, la précision avec laquelle vous analysez votre maladie, les termes scientifiques précis que vous employez et la grande lucidité dont vous faites preuve, je me dis que j’étais à des années lumière de pouvoir avoir ce regard si pointu sur la maladie, ses traitements et ses conséquences.
32 ans après, je ne garde que peu de souvenirs de la chimiothérapie : il s’agissait du protocole MOPP, à raison de 2 injections (j et j+8) répétés 3 fois avec un espace d’un mois entre chaque « cure ». Cela se pratiquait le jeudi et je me souviens essentiellement du nombre incroyable de vomissements qui s’en suivaient, principalement la première journée, un peu moins la deuxième et presque plus la troisième, ceci à 6 reprises donc, en juin, juillet et août 1980.
Je garde de la radiothérapie (24 séances) un petit point « tatoué » au milieu du thorax et le souvenir d’un placement méticuleux de « briques » posées sur une plaque de verre pour délimiter la zone d’irradiation.
Avec la forme retrouvée, je pensais être guéri et en avoir terminé avec les traitements. On m’annonça alors qu’il était nécessaire d’enlever la rate, organe potentiellement atteint. La splénectomie fut pratiquée quelques semaines plus tard. L’analyse de l’organe enlevé révéla qu’il était sain.
Quelques mois après, des symptômes proches de ceux rencontrés en juin 1980 ont conduit les médecins à pratiquer des prélèvements ganglionnaires (médiastinoscopie et thoracotomie sous anesthésie générale) avant que la situation ne redevienne normale.
En un peu moins de 10 mois, chimiothérapie, radiothérapie, splénectomie et prélèvements ganglionnaires avaient donc eu raison de cette maladie.
Une vingtaine d’année s’est alors écoulée, plutôt bien, mais régulièrement ponctuée de péricardites plus ou moins sérieuses (inflammations de l’enveloppe entourant le cœur).
A la fin de l’année 2001 (21 ans après la maladie de Hodgkin), une perte d’appétit, une fatigue assez générale et un état fébrile ont conduit mon médecin généraliste à faire pratiquer différents examens, dont un prélèvement de moelle qui a permis de poser un diagnostic clair et net : leucémie aigüe lymphoblastique. A la question posée instantanément (Docteur, est-ce que je vais m’en sortir ?), la réponse fut : « Je ne peux pas vous dire ».
Une place fut trouvée dans les minutes qui suivirent et j’étais admis, dès le lendemain, dans le service d’hématologie de l’hôpital Saint-Antoine.
La chimiothérapie administrée ressemblait peu à celle que j’avais connue 21 ans plus tôt. Elle était pratiquée de manière diffuse au cours de longs séjours à l’hôpital (plusieurs semaines à chaque fois) alors qu’elle était pratiquée en hôpital de jour pour Hodgkin, elle ne générait pas ou peu de vomissements contrairement à la première fois (le ZOPHREN de 2002 était-il plus efficace que le PRIMPERAN de 1980 ?) mais provoquait en revanche un état de fatigue tel que la simple position assise dans le fauteuil à côté du lit pendant quelques minutes relevait de l’exploit physique.
Plusieurs séjours à Saint-Antoine se succédèrent entre décembre 2001 et juillet 2002, à l’occasion desquels on m’administrait une chimiothérapie dont les principaux effets étaient les suivants : grande fatigue, perte de poids (20 kg en quelques semaines), perte d’appétit au point d’avoir des nausées à la simple évocation du nom des plats constituant mon plateau auquel, vous l’avez compris, je ne touchais pas. Peu de douleurs fortes au final, hormis les biopsies de moelle ou la chimiothérapie par injections dans le bas du dos.
Un donneur compatible non apparenté fut rapidement trouvé et la greffe de moelle eut lieu en août 2002, au cours d’un séjour de 5 semaines dans une chambre stérile, « à flux laminaire ». Un souvenir parmi beaucoup d’autres : la prise de 640 comprimés de BUSULFAN, à raison de 40 comprimés toutes les 6 heures pendant 4 jours.
Les principaux effets secondaires furent l’œuvre de la forte corticothérapie qui suivit la greffe.
Il y eut tout d’abord un diabète « cortico-induit » conduisant à un coma diabétique et qui rentra rapidement dans l’ordre, grâce à l’insuline et à la diminution progressive du volume de cortisone absorbé.
Plus embêtant, il y eut une ostéo-nécrose de la tête fémorale droite, ce qui nécessita la pose d’une prothèse totale de hanche.
Les péricardites évoquées plus haut continuent également. Des examens plus poussées (IRM cardiaque notamment) montrent un péricarde « radique », c’est-à-dire ayant été endommagé par la radiothérapie.
A la question posée un jour à un médecin sur le lien possible entre Hodgkin et leucémie, celui-ci me répondit : « A l’époque (1981), vous avez eu des traitements anti-cancer hautement cancérigènes ».
J’ai donc maintenant 51 ans, avec une maladie de Hodgkin qui date de 32 ans et une leucémie de 10 ans. Ce ne fut pas toujours simple, mais ça vous le savez tous. On se dit que ça valait quand même le coup ; on se dit aussi que si ça devait recommencer, ce serait difficile d’y retourner. On se demande ce qu’on a fait pour mériter ça mais on se dit aussi que d’autres, qui n’ont rien fait non plus pour le mériter, n’ont pas la chance de pouvoir encore en parler.
Je ne voudrais pas qu’on retienne de mon témoignage la relation entre Hodgkin et leucémie car je pense qu’elle est malgré tout assez rare et très probablement due à des traitements plus guère utilisés.
En revanche je voudrais qu’on retienne que 32 ans après une maladie de Hodgkin, on peut être toujours là et plutôt bien.
Je souhaite à tous les malades une guérison complète et rapide et à leurs proches beaucoup de courage.
Merci Stef pour tes encouragements à témoigner.
Très amicalement.