Bonjour à tous,
Voici 2-3 mois que je lis vos témoignages. Même s’ils ne correspondent jamais à un fleuve tranquille, je les ai trouvés très utiles pour m’apporter un peu de sérénité et savoir vers quoi j’allais. J’ai besoin maintenant de partager mon expérience avec vous et d’extérioriser. C’est long, peut-être aurais-je dû commencer à vous écrire avant !!
Je vais avoir dans 1 semaine 28 ans et ça fait maintenant 1 an et demi que je suis détaché en Nouvelle-Zélande avec ma compagne (Justine) dans un labo de recherche. Nous étions partis au début seulement pour un an et comme nous nous plaisons bien ici nous avions décidé de rester une année de plus pour rentrer en France en avril 2013 après notre mariage en mars et pourquoi pas un voyage de noce en Australie. On avait plein de beaux projets lorsqu’une boule dure est apparue au niveau de ma clavicule gauche.
Durant 3-4 semaines, je n’y ai pas porté plus d’attention que cela jusqu’au jour où cette boule était devenue visible sous ma peau. J’ai fait quelques recherches sur internet, une première connaissance avec les lymphomes et j’ai alors compris que ça pouvait être très sérieux. Mais ayant eu une bronchite 1 mois avant, je pensais que le gonflement de ce ganglion pouvait être dû à cela. Je décide donc d’aller consulter un généraliste avec l’espoir qu’il confirmerait mon soupçon.
Le généraliste a trouvé ce ganglion “very big”, il m’a regardé avec un air horrifié et m’a demandé s’il y avait eu des précédents de cancers au niveau du cou dans ma famille. Il a tout de suite pris l’initiative de demander un rendez-vous à l’hôpital pour faire une biopsie. Je suis sorti de ce RDV complètement dévasté. J’en ai aussi parlé à mon père médecin qui sans minimiser a su être plus rassurant que le généraliste. Il a voulu que je fasse une prise de sang, radio des poumons et une échographie abdominale. J’ai donc eu un autre RDV avec le généraliste 1 semaine après pour lui demander de me prescrire ces examens. Entre temps, je n’avais toujours pas de nouvelles de l’hôpital concernant la biopsie. La radio a montré un élargissement du médiastin supérieur gauche, alors que l’écho et la prise de sang ne montraient rien d’anormal (à part les ganglions dans le cou).
J’ai fini par recevoir une lettre de l’hôpital pour ma biopsie, 4 semaines après le premier RDV chez le généraliste. J’espérais que ce temps suffirait pour que le ganglion disparaisse… Mais au lieu de disparaitre, quelques jours avant la biopsie, j’ai commencé à avoir des sueurs nocturnes, de plus en plus d’eczéma (dont je suis coutumier) impossible à apaiser, une grosse fatigue et un ganglion supplémentaire toujours à gauche. A partir de ce moment, le lymphome hodgkinien devenait de plus en plus une certitude pour moi. Les différentes informations lues sur internet montraient que ça se soigne très bien, ce qui nous rassurait.
C’est donc après une longue attente que je me rends pour ma biopsie. Le médecin palpe mon ganglion qu’il trouve cette fois-ci « huge ». Il me dit que ça vient sûrement de mon eczéma dans le cou, mais avec le regard que j’ai dû lui lancer, il rajoute tout de suite que l’on va quand même faire la biopsie. Elle n’aura pas lieu le jour même (grosse déception), mais quand même en urgence.
Après encore 2 semaines d’attente, des sueurs nocturnes, des démangeaisons et un autre ganglion qui commençait à pointer son nez du côté droit de mon cou, la biopsie (en fait simple ponction) tant désirée arrive. Elle a été faite sous échographie avec une grosse aiguille. Avant la ponction, le médecin m’explique la procédure me montre son matériel et sa grosse aiguille en oubliant de m’expliquer que le tout se ferait sous anesthésie locale !! Tout ça c’est très bien passé et a été complètement indolore.
J’ai RDV une semaine après pour avoir les résultats. Je suis reçu par un interne qui m’explique qu’il vient d’avoir le laboratoire au téléphone et qu’ils n’ont pas encore fini avec mon cas. Mais son regard en dit plus qu’il ne le souhaite. Il s’inquiète de savoir si je suis venu seul en NZ et me conseille de venir au prochain RDV avec Justine. Il veut aussi que j’aille faire un scanner avant le prochain RDV la semaine d’après. Bon…
Une semaine après, on remet ça. Cette fois, j’y vais accompagner et on a le droit au protocole d’accueil : le médecin, 2 internes et une infirmière. Le médecin nous annonce ce dont on se doutait : j’ai un lymphome, je crois comprendre un T. On ne s’était pas du tout renseigné sur ce type de lymphome, mais le diagnostic est un grand soulagement. Après ces longues semaines, on sait enfin ce que j’ai ! Ils doivent ensuite voir avec le service d’hématologie s’il est utile de me prélever un ganglion entier. Dans le doute, on me donne RDV 5 jours après pour l’opération.
En rentrant chez nous, je commence à me renseigner sur le lymphome T. Ce que je lis n’est pas du tout rassurant : le pronostic dépend du sous type de lymphome T, mais pour tous les exemples donnés il ne semble jamais bon. La confirmation du RDV pour la seconde biopsie me donne l’espoir qu’ils se sont sans doute trompés de type de lymphome.
L’après-midi, je partage la nouvelle avec mon chef (ancien médecin) qui est dévasté pour moi. Il m’explique que si je peux choisir, il vaut mieux prendre Hodgkin. Ayant eu un cancer de la prostate quelques mois plutôt il est très compatissant et compréhensif. Touché par sa gentillesse, je manque de m’effondrer en pleurs devant lui. Le soir, j’annonce la nouvelle à mes parents via skype dont ils se doutaient aussi.
Les jours qui suivent ne sont pas faciles, je lis le peu de témoignages sur ce forum sur le lymphome T qui malheureusement ne sont pas positifs et je commence à imaginer le pire. On espère qu’ils se sont trompés. J’ai alors beaucoup de difficultés à me concentrer sur mon travail et me retiens pour ne pas pleurer à chaque fois qu’un collègue me parle de ma maladie. Il me faut plusieurs jours pour m’en remettre, une rando au milieu des volcans pour évacuer. Quelques jours plus tard, on reçoit un courrier confirmant par écrit ce qu’on avait cru comprendre à l’oral une semaine plus tôt: c’est un lymphome T. Re-dépression…
Le lendemain, un jeudi, j’ai mon premier rendez-vous avec mon hématologue auquel je vais avec Justine. Elle a des premiers résultats de la biopsie faite 2-3 jours plus tôt: j’ai très probablement un lymphome de Hodgkin stade II. Après toutes ces angoisses les jours précédents, on a accueilli la nouvelle avec soulagement et du coup assez positivement, limite c’était une bonne nouvelle ! On lui fait répéter pour être sûrs d’avoir bien compris. J’ai 6 cures d’abvd prévues. On avait aussi prévu de longue date de passer 2 semaines de vacances dans l’île du sud (départ le surlendemain) que l’on doit réduire à 1 afin de pouvoir faire le PET scan et la biopsie de moelle osseuse avant de commencer le traitement.
L’après-midi, j’annonce la « bonne » nouvelle à mon chef, pour qui c’est « le rayon de soleil de sa journée » !
Le lendemain nous changeons donc nos billets d’avions et nous partons le samedi pour une semaine de vacances avant d’attaquer les choses sérieuses. Ce sont sans aucun doute nos vacances les plus utiles. Il a plu quasiment tout les jours mais on n’a même pas râlé !! On a vu des tas de paysages et animaux magnifiques. On rentre serein et prêt à attaquer la chimio. Le moral se stabilise, je n’ai plus envie de pleurer pour rien ! Avant la chimio, je dois quand même faire le PET scan (finalement, je suis en stade 3A), la banque de sperme et la biopsie de la moelle.
Ce qui a aussi été dur et générateur de stress a été l’éloignement de ma famille. Il n’est pas utile d’expliquer que mes parents voulaient que l’on rentre en France et ont lourdement insisté. Ma mère était très inquiète et voulait même que je rentre en France pour faire les examens ! Pour nous il n’y avait rien d’évident et notre décision dépendait du diagnostic précis. J’ai pourtant bien cru que nous serions forcés de rentrer en urgence. Mais le fait de devoir chercher un appart à Paris, un boulot pour Justine, et vivre 2 hivers de suite n’auraient fait que rajouter du stress et de la déprime, alors qu’ici l’été arrive, nous pouvons profiter d’une maison avec un jardin, le boulot et l’hôpital ne sont qu’à 10 min de chez nous en voiture et on n’a pas à reporter notre mariage (il tombe 5 jours après l’avant-dernière chimio, je ferai de mon mieux pour être présentable sur les photos !!). Mon père a aussi discuté avec un collègue oncologue qui l’a rassuré sur mon cas et le système de santé néo-zélandais ! Ils ont maintenant bien accepté notre décision.
J’ai eu ma première chimio, il y a deux semaines. J’y ai bien réagi, j’ai seulement perdu mon goût, eu des dérangements gastriques quelques jours et des crises de hoquet. J’étais aussi fatigué à cause du stress. Mon chef nous a prêté son cottage au bord de la mer pour le week-end et aujourd’hui je me sens très bien et serein. L’arrivée dans la salle de chimio au milieu de patients qui ont tous plus de 60 ans m’a quand même fait un drôle d’effet, mais c’est la vie ! On n’a pas d’autres choix que d’accepter et de se battre.
Demain, j’attaque ma deuxième chimio. En attendant je profite encore plus d’aller bien ne sachant pas comment je réagirai aux prochaines piqures. Depuis que le diagnostic est tombé, je n’ai plus de sueurs nocturnes, ni d’eczéma, ni de démangeaisons… sans doute était-ce l’angoisse !
Voilà où j’en suis, désolé d’avoir été aussi long, mais j’avais besoin de m’épancher ! Sans doute cela fait partie de la thérapie
Clément