Allô allô, Houston, on a perdu contact.
D’abord, quand bien même ça ne marcherait pas, la médecine a de quoi nous sauver. Et ne dis pas non, s’il te plait, car le DHAP n’a pas marché pour moi.
Cela dit, à l’hôpital, durant mon BEACOPP, j’étais avec un type sous R-DHAP, et ça a très bien marché pour lui; il est guéri depuis belle lurette.
Ensuite, l’hospitalisation, c’est vraiment un fléau. Mais, soit on se dit: “C’est un fléau, je ne le supporte pas, donc je ne le supporterai pas; ne le supportons pas”, soit on prend le taureau par les cornes (attention de ne pas se rater; ça peut faire mal) et on se demande ce qui pourrait rendre cet enferment moins douloureux. Plusieurs solutions:
- Si tu as un ordinateur portable, investir dans une clé 3G. Ainsi, pendant ton hospitalisation, tu pourrais glander sur Internet, parler à tes amis sur Facebook, voire écrire un blog - ou écrire ici.
- Si tu n’en as pas, il y en a d’occasion à bas coût.
- Prendre des livres avec des images; si tu aimes la BD, c’est le moment d’investir. Si tu aimes la peinture, les catalogues d’exposition, que tu peux acheter sur Amazon et recevoir demain, sont idéaux. Et, si je peux te conseiller un titre, prends “30.000 d’Art”; certes, il coute cher, mais j’ai épuisé avec 2 chimios, sans pouvoir le finir: un objet d’art sur une grande page, avec un petit texte, parfait pour la fatigue de la chimio.
Pleurer, c’est chouette, ça fait dormir. Mais pleurer tout le temps, c’est déconner un peu. Ensuite, que crains-tu, et que tu dis à demi-mot? La mort. Bon - alors d’abord: tu viens de rechuter, et on en est au premier protocole de rechute, donc Houston, on se calme, il y a encore 3 ou 4 protocoles certifiés derrière. Certes, les imaginer n’est pas une partie de plaisir. Mais entre avec envie de vomir 10 jours et vivre 50 ans de plus, ou manger tout heureux pendant que le Crabe me mange, j’ai vite fait de choisir, et toi aussi sans doute.
De plus, quand bien même nous ferions, toi et moi, partie de ces Hodgkin qu’on ne guérit pas (et je me demande d’ailleurs si ça existe, aux USA et en Europe, si tous les Hodgkin ne se guérissent pas, et si les chiffres ne sont pas biaisés par les pays en voie de développement); quand bien même, notre espérance de vie va loin. J’ai vu - moi, j’ai vu, je le jure sur l’honneur - un mec qui avait un cancer généralisé; deux vertèbres en moins; et qui vivait depuis 3 ans une vie presque normale (il devait se rendre chaque semaine à l’hosto, pour 30 minutes).
Donc: on se calme. Ça peut mal finir, on peut nous enterrer avec Hodgkin, mais quand bien même, c’est pas pour demain, ni pour 2016, mais pour bien plus longtemps. Mais, penser à une fin de mauvais goût, alors que tu es au protocole de rattrapage de première ligne!
Pour moi, le DHAP n’a pas fonctionné. Eh bien? J’en suis au GVD. S’il ne fonctionne pas, il y a l’IVOP. S’il ça ne fonctionne pas, on tente la greffe. Et si ça ne fonctionne pas… ils ont l’imagination fertile; ils sauront quoi faire.
Alors, Rei76, on respire, on prend un Lexomil, on regarde par la fenêtre en se disant: “Putain, le monde est beau - et c’est tout ce que j’ai” - on profite du moment - et on se garde de lever les yeux trop loin (parce qu’en plus, j’ai un secret: au bout, pour tout le monde, ça va mal, - si si, je t’assure. Nous, on a juste la chance d’avoir un avant-goût de ce que la plupart des gens connaissent à 80 ans, sauf que là, effectivement, tu sais que ça va mal finir - et bientôt. Alors que nous, on a la vie devant nous - plein de protocoles à essayer - et un cancer à vaincre, parce que c’est pas tout, mais c’est pas un amas de cellules mortes qui va nous faire peur, et le cancer, on l’emmerde).
PS: Pour les terreurs, les angoisses que tu éprouves quand tu vas en chimio, demande à ton service d’hématologie, voire à ton médecin référent, de te mettre en contact avec le psychologue du service. Ça peut être utile, non pas de raconter sa petite enfance et la peur que l’on a depuis des bilboquets, mais d’être aiguillonné sur les bonnes questions, et éventuellement d’être médicamenté. Sans les antidépresseurs, ça fait longtemps que mon cerveau aurait bondi de mon crâne comme le diable de sa boite.